La matrescence ou la naissance d’une mère

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Devenir parent est une expérience unique. La naissance d’un bébé est une des plus belles étapes de vie mais peut-être aussi la plus difficile. Beaucoup de tabous persistent autour de la maternité, de l’accouchement, du post-partum et des femmes.

Une jeune maman qui porte son bébé

Définition de la matrescence

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La matrescence est la contraction du mot maternité et adolescence qui définit la naissance d’une mère [1]. C’est une série de modifications intenses de l’état physique, psychologique, hormonal, et émotionnel qui souhaitent aux mamans la bienvenue dans la matrescence.

Dana Louise Raphaël : « Mother of matrescence »

Dana Louise Raphaël (1926-2016), anthropologue américaine, est la créatrice des termes « matrescence » et « doula ». Pour elle, la matrescence est comme l’adolescence (« matrescence like adolescence »).

Lors de son essai sur l’allaitement, Dana Louise Raphaël, donne la définition suivante de la matrescence : « L’accouchement entraîne une série de changements spectaculaires sur l’état physique de la nouvelle mère, son état émotionnel, ses relations aux autres et même dans son identité de femme. Je distingue cette période de transition des autres, en l’appelant matrescence pour mettre en avant la mère et se concentrer sur son nouveau mode de vie. »

Par ailleurs, elle met en avant les doulas qui sont des femmes qui accompagnent les mères pendant la période de la périnatalité (de la grossesse à la naissance).

Qu’est-ce que l’anthropologie ?

L’anthropologie regroupe l’ensemble des sciences qui étudient les êtres humains. Plus précisément, l’anthropologie sociale ou ethnologie enseigne sur les sciences humaines et sociales ayant pour objectif l’étude de l’être humain en société [2].

De plus, à la suite des travaux de Dana Louise Raphaël, Aurélie Athan met au point depuis 2020, la théorie Reproductive identity.

Pour elle, l’âge, l’ethnie, le genre, ou l’orientation sexuelle sont des manières communes de se définir. Son objectif est de montrer que sa propre identité doit être construite en dehors de ces catégories basiques afin d’être en phase avec l’envie de devenir parent ou non, de pouvoir l’être ou non, et ainsi créer sa propre identité [3].

Alexandra Sacks : une nouvelle façon de penser la transition vers la maternité

Dr. Alexandra Sacks est une psychiatre affiliée à l’Université de Colombia à New York où elle étudie essentiellement la santé mentale des femmes autour du sujet de la maternité.

Disposant de peu de littérature scientifique sur le sujet de la matrescence, elle s’intéresse à l’anthropologie. Elle est connue pour ses interventions sur la matrescence auprès de TEDx (conférences internationales dont le slogan est « Diffuser des idées qui en valent la peine »). Aussi, elle écrit des articles dans le New York Times. Elle précise dans une nouvelle façon de penser la transition vers la maternité : « when a baby is born, so is a mother » (NDLR lorsqu’un bébé naît, une mère naît elle aussi) [4].

L’obstétricien qui bouleverse les codes de la naissance

Le Dr Michel Odent et la matrescence

A la suite de sa carrière de chirurgien, Michel Odent se tourne vers l’obstétrique. Dans les années 50, il est un des précurseurs d’une mise au monde plus respectueuse pour les femmes et les enfants. Il dirige pendant de nombreuses années la maternité de Pithiviers où il propose des accouchements « comme à la maison » (naissance dans l’eau, positions physiologiques, lieu intime : pénombre, température élevée, …) et une bonne écoute du désir des femmes. Il est aussi l’auteur d’une dizaine d’ouvrages sur le sujet de la maternité.

De nos jours, il y a encore des progrès à faire sur l’accouchement

De plus en plus de femmes souhaitent choisir leur façon d’accoucher. Marie-Hélène Lahaye est féministe, auteure et juriste, dans son livre « l’accouchement, les femmes méritent mieux », où un de ses messages essentiels est la maltraitance des femmes qui existe parfois dans le milieu médical. Elle précise que la phrase qui revient le plus souvent est : « on m’a volé mon accouchement ».

Le désir des femmes n’est parfois pas respecté par facilité ou par croyances de certains soignants et cela peut même conduire à des violences obstétricales.

En outre, le choix d’une naissance à la maison est encore marginalisé et peu de sages-femmes ont le courage de le proposer (car il y a un manque de soutien des institutions et des assurances santé) alors que selon Marie-Hélène Lahaye, 36% d’entre elles souhaiteraient accoucher à domicile [5].

L’initiatrice du mouvement de la matrescence en France : Clémentine Sarlat

Clémentine Sarlat est une journaliste sportive, podcasteuse et professeure de yoga. En 2019, elle choisit de changer de vie et d’être épanouie en créant son podcast « la matrescence » et en enseignant le yoga pré et post natal.

Actuellement, elle intervient de façon ponctuelle à la télévision. Elle crée aussi le podcast spotlight en récoltant des témoignages de sportifs, le podcast immo tape dont le sujet est l’immobilier, et le podcast 36 chandelles by GMF pour la prévention dans le rugby.

En 2021, elle crée le hashtag (mot-dièse) la vérité derrière le sourire sur les réseaux sociaux lorsqu’elle se rend compte que derrière ses photos où l’on aurait pu penser que tout allait bien, elle était en réalité épuisée.

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Le podcast de la matrescence

Le posdcast de la matrescence a été créé en Mars 2019 par Clémentine Sarlat dans le but de donner une autre définition de la maternité et la paroles aux parents, afin de ne plus se sentir isolés lors de cette période de transition.

Dans ce podcast, on retrouve 4 grandes thématiques :

  • les hors-séries où Clémentine Sarlat fait intervenir une fois par mois une ou un spécialiste pour répondre aux questions des auditrices et des auditeurs ;
  • l’éducation où des professionnel.les sont interviewé.es sur le thème de l’éducation afin d’en savoir plus sur les connaissances actuelles en neurosciences ;
  • le post-partum ou 4e trimestre, période clé dans la naissance d’une mère où elle a besoin de soutien ;
  • les témoignages indispensables pour ne plus se sentir seul.e car il y a encore des millions de femmes qui sont enfermées dans des croyances et n’osent pas en parler. Les témoignages permettent de libérer la parole et de trouver du soutien.

Tous les enfants veulent entendre « je t’aime, parce que tu es ce que tu es » André Stern

Dans l’épisode 96 de la saison 4 de son podcast matrescence, Clémentine Sarlat, interviewe André Stern qui donne une nouvelle vision, plus moderne, de ce qu’est qu’être parent et quel nouveau regard est à porter sur leurs enfants.

Clémentine Sarlat le présente ainsi : « Jamais scolarisé, André Stern a appris en dehors de tout carcan prédéfini, avec un axe, le jeu. »

Musicien, conférencier, journaliste et auteur, il est aujourd’hui initiateur des mouvements "écologie de l’éducation" et "écologie de l'enfance", et Directeur de l'Institut Arno Stern (Laboratoire d'observation et de préservation des dispositions spontanées de l'enfant).

Dans son dernier livre : les rythmes et rituels de l’enfant, André Stern raconte comment nous sommes tous constitués de petites et grandes habitudes qui nous caractérisent, mais surtout qui permettent de nous sécuriser.

« Nous vous laissons découvrir au travers de son podcast la passion d’André Stern pour les enfants et la simplicité avec laquelle il transmet un message essentiel… L'enfant est un géant. » [6].

La matrescence a-t-elle une durée ?

Il n’y a pas de durée définie, elle sera propre à chaque femme. Cependant, il faut bien faire la différence entre la matrescence et la dépression post-partum.

La matrescence est un processus biologique, hormonal, physique et psychologique qui crée un tsunami chez les jeunes mamans.

Un changement identitaire se met en place comme on peut le retrouver lors de l’adolescence. Et tout ceci est « normal ».

Dans le cas de la dépression post-partum, le processus s’accentue et devient pathologique. Elle touche près de 10% des femmes et peut apparaître tout au long de la première année.

Les signes cliniques sont :

  • la tristesse accompagnée du repli sur soi, une fatigue constante, des troubles de la mémoire et de l’alimentation, une indifférence et un découragement par rapport au bébé.
  • la dysphorie (opposée à euphorie) qui s’accompagne de troubles du sommeil, d’irritabilité, de culpabilité et de dévalorisation.

Dans ce cas, un professionnel de santé est habilité à accompagner ces femmes en détresse [7].

Quels sont les symptômes de la matrescence ?

Au contraire de l’anthropologie, il n’y a pas encore beaucoup de publications scientifiques sur le sujet d’autant plus que la matrescence n’est pas une maladie.

Ainsi, Alexandra Sacks retranscrit le message d’une de ses patientes à propos de la matrescence : « Je ne suis pas censée ressentir cela ». Le Dr Sacks lui demande alors « D’accord, que vous attendiez-vous à ressentir ? ».

La patiente répond « Je pensais que la maternité me ferait me sentir comblée et heureuse, je pensais que mes instincts me diraient naturellement quoi faire, je pensais que je voudrais toujours faire passer le bébé d’abord ».

En conséquence, elle définit deux concepts : l’attraction et le rejet. L’attraction où elle explique que les bébés sont dépendants des mères. L’ocytocine sécrétée aide le cerveau de la mère à « zoomer » et à porter son attention sur le bébé qui est le centre du monde. Mais en même temps, coexiste le rejet de son esprit car elle se rappelle que son identité est composée de bien d’autres éléments.

C’est ce qu’Alexandra Sacks appelle le tiraillement émotionnel de la matrescence. Elle rappelle qu’il n’y a pas de honte à ressentir et à penser cela, c’est un processus normal, et qu’il est important de ne pas se comparer aux autres [vidéo 2].

L’importance du sommeil

Le sommeil est indispensable pour de nombreuses fonctions biologiques comme l’immunité, l’apprentissage, la mémoire mais a aussi une influence sur la santé et sur le risque d’accident.

Schématiquement, le sommeil correspond à une succession de 3 à 6 cycles successifs, de 60 à 120 minutes chacun [8].

La grossesse et le post-partum sont des périodes où des troubles du sommeil peuvent apparaître et des études ont démontré le lien entre la durée du sommeil et le risque de diabète gestationnel [9]. De plus, la perturbation du sommeil lors du 4e trimestre augmente le risque de dépression post-partum [10].

Comment les pères vivent-ils la matrescence ?

Le père joue un rôle majeur dans l’arrivée d’un enfant, d’autant plus durant les premiers mois. La mère a besoin de pouvoir compter sur son compagnon pour l’épauler, la rassurer, la soutenir. Il est évident qu’il ne faut pas oublier que lui aussi doit s’adapter à sa nouvelle vie de père.

Depuis le 1er juillet 2021, le congé paternité est passé de 11 à 25 jours fractionnables pour une naissance simple et de 18 à 32 jours en cas de naissances multiples. Ce congé doit être pris dans un délai de 6 mois.

La France a encore des efforts à faire en comparaison des pays nordiques où les pères bénéficient de plus de jours pour vivre leur patrescence : 48 jours en Suède ou 54 jours en Finlande. C’est aussi un changement important dans la vie d’un homme et les parents ont besoin d’être soudés dans cette nouvelle étape [11].

Quelques livres sur la matrescence

De plus en plus de parents ont envie de vivre une maternité bienveillante et heureuse.

Quelques auteur.es parlent de la matrescence comme :

  • Clémentine Galey, créatrice du poscast et du livre « Bliss storie », dont le but principal est de faire déculpabiliser les femmes sur les sujets de la maternité et de l’accouchement.
  • Ina May Gaskin, sage-femme et auteure de « Le guide de la naissance naturelle : Retrouver le pouvoir de son corps ».
  • Le docteur Gueguen, pédiatre, qui a écrit « Vivre heureux avec son enfant » où elle utilise les récentes découvertes en neurosciences permettant d’avoir un nouveau regard sur une éducation bienveillante et dans l’empathie.
  • « Bien vivre le quatrième trimestre au naturel » de Julia Simon, ouvrage proposant des solutions naturelles afin de surmonter le chamboulement physique et psychologique en lien avec la maternité.
  • Illana Weizmann, co-créatrice du mouvement #monpostpartum sur les réseaux sociaux met en lumière, avec son livre « Ceci est notre post-partum », les stéréotypes sociétaux subis par les femmes et les déconstruit.
  • « La barbe et le biberon » de Christian Champion, auteur du blog Barbe à papa, parle d’un congé paternité de 5 mois en Norvège.

Sources

  1. https://clementinesarlat.com/podcasts/la-matrescence/
  2. Association française des anthropologues : http://www.afa.msh-paris.fr/?page_id=32
  3. Reproductive identity: https://www.reproductiveidentity.com
  4. Alexandra Sacks M.D : https://www.alexandrasacksmd.com
  5. Marie accouche là : https://marieaccouchela.net/index.php/author/admin6572/
  6. https://podcasts.apple.com/fr/podcast/pourquoi-les-rythmes-et-les-rituels-de-lenfant-son/id1456136943?i=1000539351692&l=en
  7. La dépression post-natale: http://www.rspp.fr/accompagnement-psychologique/la-depression-post-natale
  8. https://www.inserm.fr/dossier/sommeil/
  9. Association between sleep duration during pregnancy and gestational diabetes mellitus: a meta-analysis Ya-Hui Xu , Le Shi , Yan-Ping Bao , Si-Jing Chen , Jie Shi , Rui-Ling Zhang , Lin Lu : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30286382/ 
  10. Disturbed Sleep and Postpartum Depression, Michele L Okun, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27222140/
  11. Congé de paternité: sa durée passe de 11 à 25 jours à compter du 1er juillet : https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14932
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