Reconstruction mammaire et tatouage après mastectomie

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Tatouage après mastectomie

Selon l’agence Santé publique France, le cancer du sein a touché 58 459 femmes en 2018 en France. Il représente un tiers de l'ensemble des nouvelles tumeurs chez la femme. C’est la première cause de décès par cancer pour la population féminine, en France (12 146 personnes en 2018), en rapport avec l’évolution métastatique de cette maladie chez environ 20 % des femmes atteintes. Un programme de dépistage organisé est proposé en France à toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans. Les tumeurs mammaires sont classées selon différents grades et différentes caractéristiques biologiques qui guideront la prise en charge de la patiente. Aujourd’hui, les traitements sont de mieux en mieux adaptés en fonction des différents types de sous-cancers du sein. 

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Le prix et la prise en charge par l'assurance maladie de la mammectomie dépend des établissements dans lesquels elle est réalisée.

Dans les Centres de lutte contre le cancer (CLCC) comme l’Institut Curie (Paris), la reconstruction mammaire est entièrement prise en charge par l’Assurance Maladie, ce qui n’est pas le cas dans les établissements privés.

Une enquête de l’Observatoire sociétal de La Ligue contre le cancer de 2014 a en effet montré qu’1 femme sur 2 déclarait un reste à charge moyen de 1 391 € pour une reconstruction mammaire chirurgicale, principalement pour des dépassements d’honoraires liés à l’intervention dans le privé. 

Le Docteur Benoît Couturaud, chirurgien plasticien cancérologue à l’Institut Curie, à Paris décrit les différentes techniques.

Quelles personnes atteintes de cancer du sein subissent-elles une mammectomie ?

Environ 1/3 des femmes environ subissent une ablation du sein, les deux tiers restants suivent un traitement qui préserve leur(s) sein(s). Une étude menée à l’Institut Curie il y a quelques années, a montré que seules 13 % des patientes concernées bénéficiaient d’une reconstruction mammaire.

Dans le travail d’enquête effectué par l’une de nos internes, le premier critère qui ressortait était le manque d’accès à l’information. Cette prise de conscience a généré une forte mobilisation des professionnels de santé ainsi que la naissance d’un film documentaire « Guérir le regard » en 2014.

L’électrochoc a été bénéfique. Une loi, dont le décret d’application n’est pas encore paru, va prévoir l’obligation d’information sur la reconstruction mammaire. Un grand pas a donc été franchi avec cette obligation légale de l’information. Aujourd’hui, 20 à 25 % des femmes choisissent une reconstruction mammaire qui fait partie intégrante du traitement.

Quand faire cette reconstruction mammaire après un cancer du sein ?

Nous proposons aux femmes une reconstruction concomitante à l’ablation, si c’est possible. Le résultat et l’acceptation de la mastectomie sont, en effet, meilleurs. Ces dernières années, nous avons accompli de grands progrès chirurgicaux qui nous permettent parfois de garder l’aréole et le mamelon du sein.

Cette décision nous appartient, chirurgiens et cancérologues, de déterminer à quelles patientes nous pouvons proposer une reconstruction simultanée, de garder l’aréole ou le mamelon. Certaines femmes sont très demandeuses et très déçues de ne pas pouvoir en bénéficier.

Cependant, il n’y a pas un cancer du sein mais une multitude de tumeurs, à ces stades différents. Grâce aux progrès accomplis dans la prise en charge et dans les traitements, notamment ajustés en fonction des signatures moléculaires des tumeurs, les thérapeutiques sont de plus en plus ciblées et adaptées à chaque personne. 

Quelle méthode choisir ?

Reconstruire un sein c’est lui redonner du volume mais aussi refaire l’aréole et le mamelon s’ils ont été enlevés. La pose d’un implant représente l’une des solutions les plus courantes. Ces prothèses sont remplies de silicone caoutchouté ou de gel de silicone. Leurs avantages résident dans la simplicité de l’opération et dans l’absence de cicatrices supplémentaires, un beau rendu du sein en adaptant les différentes formes de prothèses. 

Le lipomodelage peut également s’avérer une alternative intéressante : il s’agit de prélever de la graisse sur d’autres parties du corps telles que l’abdomen (le ventre), les hanches ou la face interne des cuisses. Cette graisse est centrifugée puis réinjectée au niveau du sein. Les cellules ainsi réinjectées peuvent contribuer à la régénération des tissus abîmés par les traitements. 

Enfin, la microchirurgie consiste à prélever l’excédent de peau et de graisse voire des muscles peu utiles sur le plan fonctionnel et à « rebrancher » leurs vaisseaux sur ceux de la paroi thoracique. Les résultats esthétiques sont bons et très naturels.

Quelle que soit la méthode choisie, la reconstruction mammaire exige souvent deux à trois interventions, étalées sur plusieurs mois.

L’intervention porte-t-elle aussi sur l’autre sein ? 

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Dans le cadre de la reconstruction d’un sein, il est important de tenir compte de celui qui reste. S’il est joli et convient à la patiente, nous n’intervenons pas. Un aspect jugé trop petit ou trop gros, tombant, par la femme pourra influencer la technique choisie pour la reconstruction.

Ainsi, nous intégrons toujours la poitrine dans sa globalité. Pour y parvenir, nous avons besoin d’obtenir les souhaits des femmes s’agissant de leur autre sein. En une seule consultation, cela fait beaucoup trop d’informations pour une femme d’apprendre à la fois qu’elle a son cancer, qu’elle va subir l’ablation d’un sein avec la possibilité d’une reconstruction. Pour autant, nous devons réussir à glaner l’information à propos de l’autre sein. 

Y-a-t-il une technique idéale ? 

Toutes les techniques ont leurs avantages et leurs inconvénients. Elles doivent être adaptées en fonction de chaque femme. Toute la difficulté consistera à choisir la meilleure méthode qui correspond le mieux aux attentes de la femme en fonction de ses désirs, de sa constitution corporelle, sa morphologie et la taille du sein à reconstruire. Aucune méthode ne gomme tous les inconvénients majeurs des autres. Nous devons donc nous adapter. Avec deux morphologies et deux maladies totalement identiques, deux femmes pourront d’ailleurs prendre deux décisions diamétralement opposées. 

Par exemple, la technique du DIEP, qui consiste à constituer un sein à partir de la graisse du ventre, est à la mode. Les femmes profitent de l’amélioration plastique du ventre, le touché est naturel mais cette chirurgie un plus longue et présente plus de risques que d’autres techniques. 

A l’Institut Curie, nous avons la chance de disposer de tous les outils de la chirurgie du sein, qu’elle soit cancérologique, reconstructive ou esthétique. Nous pouvons proposer les mêmes méthodes que les chirurgiens esthétiques : remonter le second sein qui est trop gros, le remodeler, grossir un petit. Les progrès sont énormes en vingt ans : nous avons appris à enlever moins de peau et à adapter le traitement. 

Et pour les femmes qui préfèrent décaler cette reconstruction dans une deuxième opération plusieurs semaines ou mois après la mammectomie ?

Il est rare que les femmes renoncent à une reconstruction immédiate. Généralement, les patientes sont assez contentes de ce choix. Toutefois, l’acceptation de la reconstruction mammaire immédiate est parfois moins bonne que la reconstruction secondaire. Après l’opération, le sein reconstruit est différent d’un vrai sein : plus rond, plus dur, avec une perte de sensibilité du mamelon. La mutilation est réelle : pas physique mais psychique d’autant que certaines femmes n’y sont pas préparées. Une seule consultation n’est pas suffisante pour tout expliquer. C’est pourquoi nous organisons fréquemment des réunions à distance sur le thème avec la reconstruction. Ce qui permet d’aller plus loin dans la consultation et de répondre aux questions. 

Comment reconstruire un mamelon ?

La reconstruction d’un sein implique l’apport de volume mais aussi de l’aréole (le rond), et le mamelon (le bout du sein), soit par une greffe soit par des lambeaux de peau entortillés pour obtenir un relief, complété, ou pas, par des tatouages. Le tatouage est l’un des outils de la reconstruction mais il n’est pas le seul. Nous exposons aux femmes ce que nous savons faire, quels sont les avantages et les inconvénients. La solution viendra, à la suite de l’interrogatoire poussé que nous aurons elles. 

La prise en charge est-elle aussi optimale en France, quelle que soit la région dans laquelle les patientes vivent ?  

En cancérologie du sein en France, il n’y a plus de désert médical. La prise en charge et la reconstruction s’effectuent dans les 23 centres anticancéreux dans les grandes villes en France, auxquels s’ajoutent les hôpitaux et les établissements privés. Le maillage du territoire français pour la prise en charge de la maladie est remarquable, malgré quelques petites inégalités ponctuelles. 

Les tests prédictifs : une aide précieuse à la décision

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Les tests génomiques d’expression ARN des tumeurs ont été développés pour affiner, en complément des facteurs pronostiques classiques, l’évaluation du risque de récidive à 10 ans chez certaines patientes atteintes de cancer du sein, pour ne traiter que les cas les plus graves et, idéalement, en s’assurant de la sensibilité des cellules cancéreuses à la chimiothérapie. Ce traitement invasif est, en effet, associé à des effets secondaires en général transitoires mais parfois sévères, qui peuvent altérer la qualité de vie : nausées, perte des cheveux, neuropathie… De plus, la chimiothérapie impacte la personne (perte des cheveux), le quotidien (fatigue, impact sur l’immunité) et sa vie professionnelle (la majorité des patientes sont alors en incapacité de travailler)… Il s’agit donc de donner à ces patientes toutes les chances de guérison et d’améliorer leur taux de survie. Quatre de ces signatures transcriptomiques sont aujourd’hui commercialisées et disponibles en France dans le cadre de l’enveloppe budgétaire du Référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) et à certaines conditions. D’ailleurs, de nouvelles données ont été publiées montrant que la chimiothérapie pouvait être évitée chez certaines femmes opérées pour un cancer du sein hormonosensible avec une atteinte ganglionnaire. 

Pour Laure Guéroult-Accolas, fondatrice de Mon réseau cancer du sein, les patientes ont besoin d’informations face aux innovations dans le cancer du sein.

Pourquoi les tests prédictifs sont importants pour les femmes atteintes de cancers du sein ? 

Les signatures génomiques sont très intéressantes. Elles permettent, pour certaines patientes dont le cancer est de grade intermédiaire, d’apporter des éléments de précision pour prédire le risque de récidive et le niveau de réponse attendue d’une chimiothérapie. Les signatures permettent d’établir un score qui permettra d’éviter la chimiothérapie si le risque de récidive établi est faible et de confirmer sa nécessité s’il est élevé. C’est donc un appui intéressant pour affiner au mieux la stratégie thérapeutique.

Ces signatures sont utilisées en France dans un cadre très réglementé. Actuellement, leur prise en charge dans l’enveloppe budgétaire du Référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) ne garantit pas un accès à toutes les personnes qui pourraient en en avoir besoin. Aujourd’hui, après cinq ans, il est très important que le système français prenne en charge ces signatures. Au regard du coût d’une chimiothérapie, des traitements et de leur impact, le coût d’un test est moins élevé d’autant qu’il évite une dégradation de la qualité de vie de la patiente Et une répercussion majeure sur son parcours professionnel. Notons que ces signatures sont utilisées dans de nombreux pays et font partie des recommandations des référentiels internationaux.

Si le cancer est agressif avec un risque de récidive ou de métastases ?

Il faudra alors agir avec toutes les armes possibles, dont la chimiothérapie. Mais dans les situations entre les deux, les signatures génomiques vont permettre d’apporter des précisions, un niveau de compréhension du risque pour in fine, aider à la décision thérapeutique. Et il est important que toutes les femmes françaises éligibles puissent en bénéficier.

La France propose des solutions, dans le but de soutenir l’innovation. Compte-tenu des recommandations internationales sur ces signatures, nous association de patients espérons que la HAS pourra réévaluer ces tests génomiques pour permettre aux patientes d’accéder à un financement pérenne et garantir l’accès à toutes les personnes qui en ont besoin. 

Pour décider d’une construction mammaire, l’information est-elle aussi importante ? 

Les récentes enquêtes montrent que de nombreuses femmes renoncent à la reconstruction faute d’une information suffisante. Des freins à cette reconstruction existent. Il faut garder à l’esprit que le choix de ne pas le faire doit être respecté. Certes, les techniques ont évolué mais malgré tout, toutes les reconstructions ne sont pas possibles pour toutes les patientes. Il est donc crucial de comprendre quelles sont les techniques disponibles et qui puissent convenir à chacune.  En outre, le système de remboursement est compliqué avec un reste à charge qui peut être très important. C’est potentiellement un frein économique pour la chirurgie, avec tous ses à cotés comme le soutien-gorge spécial qui coûte un peu cher….

Autre frein : la reconstruction est souvent un parcours de plusieurs interventions. Pour une femme qui a repris une activité personnelle, sociale, professionnelle après un cancer du sein, il est difficile de se faire réopérer six mois voire plusieurs années après. C’est une décision n’est pas si facile de prendre et doit s’inscrire dans son parcours de vie. D’autant que ces derniers mois, les chirurgies de la reconstruction ont été majoritairement reportées en raison de la Covid. Une situation compréhensible sur le plan sanitaire mais fort complexe et dommageable pour les femmes concernées qui subissent pour certaines déjà plusieurs reports et donc des difficultés pour planifier leur parcours de reconstruction dans leur projet de vie.

Si l’information sur la reconstruction s’est nettement améliorée, il est important de rendre de la rendre disponible pour toutes et au bon moment, dès la mastectomie, en consultation. Une reconstruction, c’est un choix personnel. Les femmes ont besoin de temps pour comprendre et réfléchir aux différentes solutions en fonction des techniques chirurgicales possibles et de leur physionomie. Sur nos réseaux, nous relayons de nombreuses iinformations sur ces différentes techniques. 

Aujourd’hui, il est proposé à de plus en plus de femmes une chirurgie de reconstruction immédiate. Le chirurgien place tout de suite une prothèse quitte à ce qu’elle soit ultérieurement remplacée par une autre technique. Ce n’est pas si facile à vivre et nécessite un suivi physique et psychologique, alors même que les femmes manquent de temps pour s’y préparer et ne disposent pas de suffisamment d’informations spécifiques.  

Le tatouage est-il judicieux après une mastectomie totale ou partielle ?

Pour les patientes qui n’ont pas choisi la reconstruction mammaire, le tatouage leur permet d’avoir accès à une reconstruction esthétique, d’habiller leur torse et de masquer leur cicatrice. La personne va se trouver belle différemment, ce lui permettra notamment de faciliter la reconstruction de son estime de soi. Une situation compréhensible au niveau sanitaire mais fort complexe et dommageable pour les femmes concernées qui subissent pour certaines déjà plusieurs reports et donc des difficultés pour planifier leur parcours de reconstruction dans leur projet de vie.

Sources

  1. Rapport 2014 de l’Observatoire sociétal des cancers, Cancer du Sein, Se reconstruire après une mastectomie, https://www.ligue-cancer.net/vivre/article/26465_reconstruction-apres-un-cancer-pour-retrouver-son-image
  2. Film Guérir le regard https://www.youtube.com/watch?v=uev1ARP9cmI
  3. https://curie.fr/dossier-pedagogique/cancer-du-sein-se-faire-reconstruire-ou-pas
  4. RxPONDER est une étude de phase III randomisée, ouverte, internationale, multicentrique. Son objectif était d’évaluer l’efficacité de la chimiothérapie associée à une hormonothérapie chez des femmes atteintes de cancer du sein localisé exprimant les récepteurs hormonaux, HER2 négatif, avec 1 à 3 ganglions envahis, et qui avaient un score de récurrence avec le test Oncotype DX™ faible ou intermédiaire (inférieur ou égal à 25). 9383 femmes ont participé à cette étude, dont 1022 en France.
  5. Le réseau social pour les personnes touchées par un cancer du sein et leurs proches https://www.monreseau-cancerdusein.com/
  6. Tatouage aréoles mammaires sur des femmes après mastectomies d’un cancer du sein : https://www.dermareole.com/
  7. Assurance maladie de France, https://www.ameli.fr/
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