Radiothérapie et nanoradiothérapie : Interview du Pr Christophe Le Tourneau

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Tuer les cellules cancéreuses dans les tumeurs

La radiothérapie, également appelée thérapie par rayonnement, implique l'utilisation de rayons X ou d'autres particules ou rayons de haute énergie pour tuer les cellules cancéreuses dans les tumeurs.

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Elle fait partie des traitements anticancéreux les plus courants, en tant que thérapie autonome comme en association avec la chirurgie, la chimiothérapie ou les biothérapies.

Dans les pays développés, environ 60 % des patients souffrant d’un cancer recevront une radiothérapie au moins une fois, soit seule, soit dans le cadre d'un protocole de traitement plus complexe. Néanmoins, certaines personnes ne peuvent notamment pas recevoir une dose de rayonnement suffisamment élevée pour détruire complètement leur tumeur sans entraîner un niveau inacceptable de dommages aux tissus sains environnants. D’où l’intérêt de la nanoradiothérapie ou nanophysique.

Amplifier la radiothérapie pour traiter plus finement

Premier d’une nouvelle classe de produits, le premier produit de nanothérapie, NBTXR3, a été conçu pour détruire les tumeurs et les métastases lorsqu’il est activé par radiothérapie. Il est composé de nanoparticules d’une taille de 50 nanomètres en moyenne, en solution aqueuse. Utilisé dans les tumeurs solides, il est administré par une injection unique. Il s’agit en fait d’un radioenhancer, ou amplificateur de radiothérapie, qui est composé d’un cœur d’oxyde d’hafnium (HfO2) cristallin. Ce produit ne se dégrade pas dans le corps et n’est pas métabolisé. Son comportement diffère donc radicalement d’une molécule biologique et chimique classique. Ces nanoparticules possèdent des propriétés physiques leur permettant, lors de l’exposition aux rayonnements ionisants, d’amplifier la dose d’énergie létale dans la tumeur. Ce qui entraîne entraine la mort des cellules cancéreuses. 

Le point sur cette technique innovante avec le professeur Christophe LE TOURNEAU, oncologue médical et chef du département des essais cliniques précoces à l’Institut Curie.

Dans quelles situations la radiothérapie est-elle indiquée ?

La radiothérapie peut être donnée à visée curative de façon exclusive  pour les cancers non opérables. C’est le cas pour certains cancers de la gorge, de l’œsophage ou du poumon par exemple. Y est associée parfois une chimiothérapie concomitamment. 

Elle peut également être administrée en situation adjuvante après une chirurgie d’exérèse du cancer, à visée préventive pour diminuer les risques de récidive. C’est le cas pour certains cancers du sein et du poumon par exemple.

La radiothérapie est enfin administrée dans certains cas en préopératoire pour certains sarcomes et cancers du rectum par exemple, et enfin, en situation palliative sur certaines métastases à visée symptomatique.

Quels sont effets secondaires ? 

Si les rayons ne détruisaient que les cellules tumorales et non pas aussi les tissus sains, la radiothérapie n’aurait pas d’effets indésirables. Ceux-ci sont moins importants que par le passé car les techniques de radiothérapie sont devenues de plus en plus précises. Auparavant simple rectangle dans lequel les rayons étaient administrés, les schémas d’administration sont devenus plus complexes et les motifs plus précis. Ils peuvent également changer en cours d’irradiation et d’un jour sur l’autre. 

Autre amélioration, au-delà de technique ancestrale des photons, les nouvelles techniques comme la protonthérapie sont apparues, plus précises. Administrée dans seulement trois centres (Curie Orsay, Caen et Nice) en France, cette technique est destinée aux tumeurs de l’enfant ou aux tumeurs de la base du crâne.

Qu’apporte de plus la nanoradiothérapie au patient lors de la radiothérapie ?

Elle consiste à l’injecter des nanoparticules constituées d’oxyde d’hafnium (HfO2) cristallin, avant de démultiplier l’effet de la radiothérapie. Lorsque les rayons se trouvent en contact avec ces nanoparticules au sein de la tumeur, se produit une démultiplication de la production d’électrons, qui va conduire à la destruction des cellules tumorales. 

Cette technologie est donc déjà démontrée car approuvée dans un cancer solide ?

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Oui, la nanoradiothérapie a obtenu son marquage CE en Europe dans le sarcome des tissus mous mais elle n’est pas remboursée en France. Pour soigner cette tumeur, la radiothérapie est mise en œuvre avant la chirurgie pour éviter les amputations. Dans un essai comparatif mené dans le sarcome des tissus mous, l’objectif était de démontrer que la nanoradiothérapie ajoutée lors de la radiothérapie apportait une réponse pathologique complète supérieure chez les patients traités, en mesurant l’absence de cellules tumorales, après l’opération. Les résultats se sont révélés positifs : les personnes qui avaient reçu l’injection de nanoparticules sans cellules tumorales étaient deux fois plus nombreuses. Pour les autorités de santé, ce critère de jugement ne représente toutefois pas un standard pour le remboursement. Les autorités ont donc besoin d’un essai de plus grande ampleur qui évalue la survie globale afin d’envisager un remboursement. 

La nanophysique est-elle déjà efficace pour traiter les cancers ORL ?

Nous avons travaillé depuis le début avec la société Nanobiotix pour concevoir un essai clinique dans le cancer ORL. L’objectif de cette première étude était de déterminer le niveau de concentration de nanoparticules à délivrer, en fonction du volume tumoral déterminé par l’IRM : le premier palier de dose de nanoparticules atteignait d’abord 5 % du volume, puis nous le faisions grimper à 10 %, 15 %, et enfin 22 %. 

Le second objectif était de déterminer si l’administration de ce produit de nanophysique conduisait à des toxicités inattendues. Enfin, il fallait évaluer son efficacité préliminaire, étudier les résultats au regard des résultats historiques car cet essai était sans comparateur. In fine, nous avons pu constater que nous pouvions administrer la concentration maximale que nous souhaitons, à savoir 22 %, et nous n’avons pas constaté de toxicité inattendue ni grave. Les résultats obtenus ont été encourageants. Il reste désormais à les confirmer sur une large population de patients. C’est l’objectif de la phase 3 du développement de ce traitement qui devrait démarrer très prochainement.

Cette nanoradiothérapie pourrait donc améliorer les chances de survie des patients atteints de tumeurs de la tête et cou ? 

Seul un essai comparatif permettra de répondre à cette question, un essai de phase 3 sur lequel nous sommes en train de travailler.

Comment les patients peuvent-ils participer à cette étude clinique qui sera notamment menée en France ? 

Une radiothérapeute américaine et moi-même pilotons ce programme, en cours de soumission auprès des autorités américaines et européennes. Cet essai devrait être ouvert dans de nombreux centres à travers le monde. Pour y être inclus, encore faudra-t-il que les patients soient au courant de l’ouverture de cet essai tout comme leurs médecins d’ailleurs. 

En tant qu’investigateur, l’Institut Curie va communiquer l’information auprès de nos collègues oncologues. 

Pour traiter certains cancers, qu’apporte la nanoradiothérapie associée à des immunothérapies anti-DP-1 ? 

Des résultats préliminaires d’un essai américain incluant 9 patients ont été présentés en novembre 2020. Ils sont encourageants. La nanoradiothérapie sensibiliserait les cellules tumorales à l’immunothérapie chez certains patients atteints de cancer de la tête et du cou, de métastases pulmonaires et/ou hépatiques. Là encore, il faudra le confirmer d’où la poursuite du recrutement aux États-Unis.

Sources

  1. Étude d'enregistrement (phase III) du NBTXR3 dans le cancer de la tête et du cou NANOX-RAY 312. Environ 500 patients, inéligibles à une chimiothérapie à base de platine (cisplatine), y seront recrutés. Deux bras seront randomisés : une partie recevra une radiothérapie avec ou sans cetuximab (au choix de l‘investigateur), l’autre partie bénéficiera de NBTXR3 activé par la radiothérapie avec ou sans cetuximab (la décision appartiendra aux médecins).
  2. Étude de phase I du NBTXR3 en combinaison avec un anti-CTLA-4 et un anti-PD-1/L1 dans différentes indications de tumeurs solides avec métastases pulmonaires ou hépatiques (Étude MD Anderson (2020-0618)
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