Stratégies d'automonitoring pour une meilleure gestion du poids

L’obésité et le surpoids constituent aujourd’hui des problèmes de santé publique majeurs, touchant plus de 1,9 milliard d’adultes dans le monde, dont plus de 650 millions en situation d’obésité [1]. Ces conditions augmentent le risque de développer des maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et certains cancers, tout en réduisant l’espérance de vie et la qualité de vie. Face à l’ampleur de ces enjeux, les stratégies de gestion du poids doivent s’appuyer sur des approches scientifiquement validées, centrées sur le patient et adaptées à long terme.

Stratégies d'automonitoring pour une meilleure gestion du poids

Parmi ces approches, l’automonitoring — ou auto-surveillance — occupe une place centrale. Il s’agit du processus par lequel un individu enregistre et analyse ses propres comportements liés à la santé, tels que l’alimentation, l’activité physique et les paramètres corporels. Les recherches montrent que l’automonitoring favorise la prise de conscience, l’autonomie et la persistance des changements comportementaux [2].
Cet article explore les fondements de l’automonitoring dans la gestion du poids, présente les outils et technologies disponibles, décrit les indicateurs clés à suivre, analyse les stratégies permettant d’améliorer l’adhésion et examine les limites de cette approche. L’objectif est d’offrir une synthèse claire et pratique, fondée sur des données probantes, destinée aux professionnels de santé et aux personnes cherchant à optimiser leur démarche de perte ou de maintien de poids.

Comprendre l’automonitoring dans le cadre de la gestion du poids

L’automonitoring repose sur le principe que l’auto-observation régulière de ses comportements de santé favorise la conscience de ses habitudes et permet d’identifier les leviers de changement. Historiquement, ce concept trouve ses racines dans la psychologie comportementale et cognitive, notamment dans les travaux de Bandura sur l’auto-efficacité [3].

En pratique, l’automonitoring appliqué à la gestion du poids consiste à enregistrer, de manière systématique, les apports alimentaires, les niveaux d’activité physique et les mesures corporelles pertinentes. Cette collecte de données offre un double avantage : elle fournit un retour immédiat à la personne et sert de base pour l’ajustement des stratégies de santé.

Les études longitudinales démontrent que les personnes qui tiennent un suivi quotidien de leur alimentation perdent davantage de poids que celles qui le font de manière sporadique [2]. De plus, la régularité de l’enregistrement semble être un facteur prédictif du maintien à long terme des résultats. Ainsi, l’automonitoring n’est pas seulement un outil d’observation, mais un catalyseur actif de changement comportemental.

Outils et technologies d’automonitoring

Les méthodes d’automonitoring se sont considérablement diversifiées avec les avancées technologiques. Les carnets alimentaires traditionnels, bien que toujours utilisés, sont souvent perçus comme contraignants. Les applications mobiles permettent aujourd’hui de saisir rapidement ses repas, d’analyser la composition nutritionnelle et de suivre les calories consommées.


Les dispositifs connectés, tels que les balances intelligentes et les bracelets de suivi d’activité, facilitent la mesure régulière du poids, de la composition corporelle et du niveau d’activité physique. Certains modèles intègrent même des capteurs de fréquence cardiaque et de sommeil, offrant une vision globale de la santé.


L’intelligence artificielle a ouvert la voie à des solutions plus personnalisées. Des applications peuvent désormais analyser automatiquement les photos de repas, détecter les aliments et estimer leur valeur nutritionnelle. De plus, les algorithmes prédictifs peuvent proposer des ajustements personnalisés en fonction des progrès et des objectifs définis.


Ces innovations technologiques augmentent l’accessibilité et la précision de l’automonitoring, tout en réduisant la charge cognitive associée au suivi manuel. Toutefois, leur efficacité dépend largement de l’engagement de l’utilisateur et de la qualité des données saisies.
 

Mesures clés à suivre pour optimiser la gestion du poids

Un automonitoring efficace repose sur l’identification et le suivi régulier de mesures pertinentes. Trois catégories principales se distinguent :

  • Apport calorique et qualité nutritionnelle : noter non seulement la quantité de calories, mais aussi la répartition des macronutriments et la qualité globale de l’alimentation. Les régimes riches en fibres, fruits, légumes et protéines maigres favorisent la satiété et le contrôle du poids.
  • Activité physique et dépense énergétique : suivre la fréquence, la durée et l’intensité des exercices physiques, en incluant les activités de la vie quotidienne. L’Organisation mondiale de la Santé recommande au moins 150 minutes d’activité modérée par semaine pour les adultes [1].
  • Indicateurs corporels et métaboliques : surveiller le poids, le tour de taille, l’indice de masse corporelle (IMC) et, si possible, certains paramètres biologiques comme la glycémie ou les lipides sanguins.


Ces mesures, lorsqu’elles sont suivies avec constance, permettent d’évaluer objectivement les progrès et de détecter rapidement les écarts nécessitant un ajustement.
 

Stratégies pour améliorer l’adhésion et la régularité du suivi

La régularité est la clé de l’efficacité de l’automonitoring, mais elle peut être difficile à maintenir. Pour favoriser l’adhésion, plusieurs stratégies se révèlent utiles :

  • Fixer des objectifs réalistes et progressifs : des cibles trop ambitieuses peuvent décourager, tandis que des objectifs atteignables renforcent la motivation.
  • Utiliser la rétroaction positive : visualiser les progrès via des graphiques ou des bilans hebdomadaires stimule l’engagement.
  • S’appuyer sur un soutien social : partager ses résultats avec des proches ou un groupe de soutien améliore la persistance des comportements.


L’intégration du suivi dans la routine quotidienne, comme enregistrer les repas juste après les avoir pris ou peser son corps à heure fixe, facilite l’automatisation du comportement. Les rappels automatiques via les applications peuvent également compenser les oublis.
 

Limites et précautions de l’automonitoring

Si l’automonitoring présente de nombreux avantages, il n’est pas exempt de limites. Un suivi excessif ou trop strict peut mener à une obsession pour la nourriture ou le poids, augmentant le risque de troubles du comportement alimentaire [4].


Par ailleurs, la fatigue décisionnelle — due à la multiplication des choix alimentaires à faire chaque jour — peut entraîner un abandon progressif du suivi. Les personnes doivent donc être encouragées à adopter une approche flexible, en se concentrant sur les tendances globales plutôt que sur la perfection quotidienne.


Enfin, l’automonitoring gagne à être accompagné par un professionnel de santé, qui pourra interpréter les données et proposer des ajustements adaptés. Cela réduit le risque d’erreurs d’interprétation et maximise les bénéfices de la démarche.
 

Conclusion

L’automonitoring est une stratégie validée et efficace pour améliorer la gestion du poids, en favorisant la prise de conscience, l’autonomie et la persistance des comportements favorables à la santé. L’évolution des outils, notamment grâce aux technologies connectées et à l’intelligence artificielle, facilite sa mise en œuvre et en augmente la précision.


Toutefois, pour en tirer pleinement parti, il est essentiel d’adopter une approche équilibrée, en évitant les dérives obsessionnelles, et de bénéficier d’un encadrement adapté. Les recherches futures devraient explorer comment personnaliser encore davantage le suivi pour s’adapter aux besoins individuels et aux contextes culturels.
 

Références

  1. World Health Organization. Obesity and overweight. Disponible sur
  2. Burke LE, Wang J, Sevick MA. Self-Monitoring in Weight Loss: A Systematic Review of the Literature. J Am Diet Assoc. 2011;111(1):92-102.
  3. Bandura A. Self-efficacy: Toward a unifying theory of behavioral change. Psychological Review. 1977;84(2):191-215.
  4. Linardon J, Messer M, Rodgers RF, Fuller-Tyszkiewicz M. A systematic review of the relationship between self-weighing and disordered eating. Int J Eat Disord. 2019;52(2):120-129.
     

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