Stratégies de motivation pour surmonter l'obésité

L’obésité constitue l’un des défis de santé publique les plus pressants du XXIe siècle. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de personnes obèses a presque triplé depuis 1975, touchant plus de 650 millions d’adultes dans le monde [1]. Loin de se limiter à une accumulation excessive de masse grasse, l’obésité entraîne une cascade de conséquences métaboliques et cardiovasculaires, sans compter son impact psychosocial souvent dévastateur. Les personnes obèses sont fréquemment confrontées à la stigmatisation, à l’isolement et à des troubles de l’estime de soi, ce qui peut constituer un frein majeur à l’adoption de comportements favorables à la santé.

Stratégies de motivation pour surmonter l'obésité

Face à ces obstacles, la motivation s’impose comme une composante centrale dans le processus de changement. En effet, la perte de poids durable ne peut se concevoir sans un engagement profond et continu de la personne concernée. Pourtant, maintenir cette motivation sur le long terme représente un défi de taille, d’autant que les résultats escomptés peuvent tarder à se manifester. L’objectif de cet article est d’explorer les stratégies de motivation les plus efficaces pour aider les personnes obèses à persévérer dans leur démarche de changement. Ces stratégies, fondées sur des modèles théoriques et appuyées par des données empiriques, incluent la compréhension des mécanismes motivationnels, l’utilisation de l’entretien motivationnel, l’établissement d’objectifs SMART, le recours au soutien social, ainsi que la valorisation personnelle. Chacune de ces approches sera analysée dans les sections suivantes afin de proposer une vision intégrée de la motivation dans la lutte contre l’obésité.

Comprendre les mécanismes de la motivation

La motivation désigne l’ensemble des forces internes et externes qui initient, dirigent et maintiennent un comportement vers un objectif donné. En psychologie, deux grandes formes de motivation sont distinguées : la motivation intrinsèque, liée à un intérêt personnel ou un plaisir inhérent à l’activité, et la motivation extrinsèque, qui repose sur des facteurs externes comme les récompenses ou la pression sociale [2]. Dans le contexte de l’obésité, cette distinction revêt une importance particulière, car les tentatives de perte de poids motivées uniquement par des attentes sociales ou esthétiques sont souvent vouées à l’échec à long terme.


Les modèles de changement comportemental, comme le modèle transthéorique ou la théorie de l’autodétermination, mettent en évidence l’importance de la motivation autodéterminée – c’est-à-dire librement choisie et alignée avec ses valeurs personnelles – dans la réussite des démarches de santé. Malheureusement, de nombreux patients obèses présentent une faible motivation autodéterminée, souvent minée par des expériences d’échec, une perception négative de soi ou des comorbidités psychiques comme la dépression ou l’anxiété.


Un autre obstacle majeur réside dans le phénomène de l’ambivalence : la personne souhaite changer, mais hésite à renoncer à certains comportements perçus comme réconfortants, notamment sur le plan alimentaire. Cette ambivalence, si elle n’est pas prise en compte, peut conduire à l’abandon précoce des programmes de perte de poids. C’est pourquoi une compréhension fine des mécanismes motivationnels est indispensable pour construire des interventions efficaces et respectueuses du vécu des individus concernés.

L’entretien motivationnel comme levier du changement

Face à l’ambivalence et au manque de motivation autodéterminée, l’entretien motivationnel (EM) s’est imposé comme une méthode d’intervention de choix. Développé initialement dans le domaine des addictions, l’EM est une approche centrée sur la personne, qui vise à renforcer sa motivation intrinsèque en explorant ses propres raisons de changer [3]. Contrairement aux méthodes directives, l’EM repose sur l’écoute active, la reformulation, et l’utilisation de questions ouvertes pour encourager l’expression des motivations profondes.


Dans le cadre de la prise en charge de l’obésité, plusieurs études ont montré l’efficacité de l’EM pour favoriser l’engagement dans des comportements de santé. Une méta-analyse récente a conclu que les personnes ayant bénéficié d’un EM présentaient une perte de poids significativement plus importante que celles ayant suivi une approche classique fondée sur le conseil [3]. Ce succès s’explique notamment par le respect de l’autonomie de la personne, la valorisation de ses forces et la construction d’une alliance thérapeutique solide.


Le rôle des professionnels de santé est ici essentiel : qu’il s’agisse de médecins, diététiciens, psychologues ou coachs sportifs, tous peuvent intégrer les principes de l’EM dans leur pratique. L’objectif n’est pas de convaincre, mais d’aider la personne à découvrir par elle-même les raisons qui rendent le changement désirable et possible. En redonnant la parole à l’individu, l’EM contribue à restaurer son pouvoir d’agir, élément clé dans la lutte contre l’obésité.

Les objectifs SMART pour structurer la perte de poids

La motivation, pour se traduire en action, a besoin de structure et de direction. C’est dans ce cadre que les objectifs SMART (Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes, Temporellement définis) s’avèrent particulièrement utiles. Au lieu de formuler des souhaits vagues comme « je veux maigrir », il s’agit de transformer cette intention en un plan concret, tel que « je veux perdre 2 kg en 4 semaines en remplaçant les sodas par de l’eau ».


Plusieurs études ont démontré que l’établissement d’objectifs SMART améliore significativement l’adhésion aux programmes de perte de poids [4]. Cela s’explique par le fait que des objectifs bien définis fournissent des repères clairs, permettent de mesurer les progrès et offrent des sources régulières de satisfaction, autant de leviers puissants de la motivation. De plus, des objectifs atteints, même modestes, renforcent le sentiment d’efficacité personnelle, indispensable pour entretenir la motivation dans la durée.


Il est toutefois essentiel que ces objectifs soient adaptés à la réalité de chaque individu. Fixer un objectif irréaliste peut conduire à la démotivation et à l’abandon. À l’inverse, des objectifs trop modestes peuvent manquer de stimulation. L’accompagnement par un professionnel formé est donc recommandé pour calibrer ces objectifs en tenant compte de l’état de santé, des habitudes de vie et des préférences personnelles.


Enfin, les objectifs SMART peuvent être appliqués à divers aspects du mode de vie : alimentation, activité physique, sommeil, gestion du stress, etc. Cette diversification permet d’agir simultanément sur plusieurs facteurs de risque, tout en favorisant une dynamique de progression globale.

Le rôle du soutien social et communautaire

La motivation ne se développe pas en vase clos. Le soutien de l’entourage, qu’il soit familial, amical ou professionnel, joue un rôle fondamental dans la réussite des démarches de perte de poids. En effet, l’environnement social influence fortement les comportements de santé, que ce soit par l’imitation, la pression sociale ou le partage d’expériences [5].

 


Le sentiment d’être soutenu émotionnellement et pratiquement favorise l’adhésion aux changements nécessaires. Par exemple, un conjoint qui participe à la préparation de repas équilibrés ou des collègues qui encouragent une pause active à midi peuvent renforcer la motivation d’un individu en phase de changement. De même, les groupes de soutien – qu’ils soient en présentiel ou en ligne – offrent un espace de partage, d’écoute et d’encouragement, particulièrement précieux face aux difficultés.


Les communautés en ligne, en particulier, se sont imposées comme des vecteurs de motivation puissants. Elles permettent de rompre l’isolement, de bénéficier de conseils pratiques et de célébrer ensemble les progrès. Certaines plateformes proposent même un accompagnement personnalisé par des professionnels, ce qui renforce encore leur efficacité.


Enfin, des initiatives communautaires à plus grande échelle – comme les programmes de marche en groupe ou les défis santé organisés par des municipalités – montrent qu’un environnement social stimulant peut induire des changements durables. Il apparaît donc crucial d’intégrer la dimension sociale dans toute stratégie de lutte contre l’obésité.

L’importance de la valorisation personnelle et de l’estime de soi

Un élément souvent négligé dans les programmes de perte de poids est l’impact de l’estime de soi sur la motivation. Or, de nombreuses personnes obèses souffrent d’une image corporelle altérée, de honte ou de culpabilité, ce qui les pousse parfois à l’auto-sabotage. Restaurer une relation bienveillante avec soi-même devient donc un préalable indispensable à toute démarche de changement [2].


La valorisation personnelle passe par différentes pratiques accessibles, comme le journal de gratitude, les affirmations positives, ou encore la visualisation de réussites passées. Ces outils renforcent le sentiment de compétence et d’amour de soi, tout en réduisant les effets délétères des pensées négatives.


Par ailleurs, les interventions axées sur l’acceptation de soi, issues de la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), ont montré leur efficacité pour aider les patients à s’engager dans des comportements de santé sans attendre une transformation physique immédiate. Il ne s’agit pas de renoncer au changement, mais d’en faire une démarche alignée avec ses valeurs profondes, plutôt qu’une tentative de conformité à des normes sociales.


Lorsque l’estime de soi est restaurée, la motivation devient plus stable et durable, car elle repose sur le respect de soi et non sur des injonctions extérieures. Cela permet également d’aborder les rechutes avec plus de résilience, en évitant le piège de la culpabilité ou de l’abandon.

Conclusion

Surmonter l’obésité ne relève pas d’un simple effort de volonté. C’est un processus complexe, profondément enraciné dans des dimensions psychologiques, sociales et comportementales. Pour qu’un changement durable s’opère, la motivation doit être nourrie, soutenue et structurée. Cet article a mis en lumière cinq stratégies clés : comprendre les mécanismes motivationnels, recourir à l’entretien motivationnel, fixer des objectifs SMART, s’appuyer sur un soutien social et communautaire, et renforcer la valorisation personnelle.


Ces approches, loin d’être exclusives, doivent être combinées et personnalisées selon les besoins de chaque individu. Elles soulignent également l’importance d’une prise en charge globale, qui dépasse le simple cadre diététique pour englober la personne dans sa totalité. Face à un enjeu aussi complexe que l’obésité, il est temps de miser sur une motivation éclairée, ancrée dans le respect, la bienveillance et la persévérance.

Références

  1. Organisation mondiale de la santé. Obésité et surpoids.
  2. Ryan RM, Deci EL. Intrinsic and extrinsic motivations: Classic definitions and new directions. Contemp Educ Psychol. 2000;25(1):54-67.
  3. Armstrong MJ, Mottershead TA, Ronksley PE, et al. Motivational interviewing to improve weight loss in overweight and/or obese patients: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Obes Rev. 2011;12(9):709-723.
  4. Pearson ES. Goal setting as a health behavior change strategy in overweight and obese adults: A systematic literature review examining intervention components. Patient Educ Couns. 2012;87(1):32–42.
  5. Wing RR, Jeffery RW. Benefits of recruiting participants with friends and increasing social support for weight loss and maintenance. J Consult Clin Psychol. 1999;67(1):132–138. 

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