Bulle de décompression pour les soignants de la Covid-19 : une expérience à succès portée par le Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph

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Soutien aux soignants par l'Hôpital Paris Saint-Joseph

Face à l’émergence du coronavirus

Face à l’émergence du coronavirus et l’arrivée massive inédite de patients, l’équipe de la consultation douleur de l’hôpital Paris Saint-Joseph à Paris (établissement de santé privé d'intérêt collectif), composée d’un personnel pluridisciplinaire et pluriprofessionnel (médecins généraliste, rhumatologue, anesthésiste, psychologue, kinésithérapeute, infirmières, etc.) a entamé très rapidement une réflexion pour venir en aide aux soignants.

« Cette réflexion a été confortée par le retour d’expérience de nos confrères italiens et du Haut-Rhin évoquant la grande souffrance des soignants. Notre expérience de collaboration autour du patient dans le cadre du traitement de la douleur nous a fait penser que cette démarche serait sans doute profitable pour les soignants et pour le personnel des hôpitaux. Nous avons donc décidé de mettre nos compétences à leur service en créant une bulle de décompression ».

Docteur Marguerite d’Ussel, médecin responsable de la consultation douleur.

Le succès de cette initiative a été reconnue et a suscité des émules car l’hôpital Cochin (Paris) et l’hôpital Foch (Suresnes) s’en sont inspirés.

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Naissance de la bulle : un engagement total du Groupe Hospitalier Paris Saint Joseph

Durant les premières semaines de l’épidémie, une cellule de crise quotidienne, constituée entre autres de la direction générale, du président de la commission médicale de l’établissement, des chefs de pôles et de la logistique ainsi que des responsables des hôpitaux de la Cité Hospitalière, se réunissait pour la réorganisation des services et des équipes.

De petits groupes de travail se sont créés. Dès les premières cellules de crise, il a été question de mettre en place une cellule de soutien psychologique au profit des soignants. La direction de l’hôpital avait déjà constaté qu’il y avait un réel bénéfice à apporter ce service pour le bien-être de son personnel avant même la survenue de la covid-19. A cette occasion, Marguerite d’Ussel a proposé les compétences de la consultation douleur pour créer une plateforme de décompression. La direction de l’hôpital lui a donné son feu vert.

Du soutien au soin, une œuvre collective

Marguerite d’Ussel s’est occupée avec son équipe de la mise en place de ce projet. Il ne s’agissait pas de faire des propositions trop formelles auxquelles les soignants n’auraient pas adhéré, mais de créer un espace en dehors de leurs services qui leur permette de se détendre. L’arrêt des consultations douleur patients en présentiel a permis de libérer les locaux pour accueillir cette première bulle de décompression. Pour l’équiper, Marguerite d’Ussel a lancé un appel sur les réseaux sociaux auprès d’industriels et artisans (café, machine à café, thé, chocolat, bonbon, fauteuils de massage,…). Très vite, ces derniers ont répondu présents et la bulle a pu voir le jour.

Depuis sa création, à tout moment de la journée, l’équipe de la consultation douleur accueille les personnels en leur donnant l’opportunité de se poser, en leur offrant bonbons et chocolats, plaisir régressif, afin de les amener à prendre soin d’eux, ce que les soignants n’ont pas l’habitude de faire.

Moments de pause et d’écoute, de silence et de repos, tout un chacun peut en profiter.

« Si au départ, le personnel venait pour prendre une tisane relaxante, il découvrait peu à peu les bienfaits d’un fauteuil massant et se laissait aller à s’endormir » rapporte Marguerite d’Ussel. Avec le temps, la bulle a évolué. Désormais, tout un panel de services est proposé : sophrologie, hypnose, séances de thérapie manuelle dispensées par des kinésithérapeutes… et aujourd’hui un soutien psychologique.

« Nous avions en tête, dès le début du projet, d’ouvrir des rendez-vous psychologues spécifiques mais nous savions que cela n’aurait pas fonctionné si cela ne venait pas directement d’eux. Progressivement, les soignants se sont manifestés, satisfaits de notre initiative, et nous avons ouvert des rendez-vous ».

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La bulle, une action originale couronnée de succès

Dès la deuxième semaine, la fréquentation était de 80 personnes par jour, tous professionnels confondus en provenance de tous les services.

Ainsi, le personnel de la DSI (direction du système d’information) très engagé dès le début de l’épidémie pour créer, sans compter son temps, des connexions à distance dans le cadre de la réorganisation des services, en a bénéficié.

Un buzz s’est développé, du livreur au chef de service, tout le monde en parlait au point que les cadres de santé communiquaient en disant « allez à la bulle, prenez rendez-vous pour des séances, ça fait du bien ».

Pour Marguerite d’Ussel, « ceci faisait partie de mes préoccupations, je voulais qu’il y ait un accueil pour tout le monde quel qu’il soit et que notre plateforme ne soit pas vécue comme une annexe de la salle de garde. Par exemple, un(e) Aide-soignant(e) pouvait se retrouver installé(e) à côté d’un chef d’un autre service en évoquant les mêmes difficultés, les mêmes sujets de préoccupation et interagir. La bulle joue beaucoup dans la reconnaissance de chaque personne et dans la solidarité… Individuellement, les gens nous remercient ». Pour preuve, une fresque participative a été créée, couverte de messages de remerciements.

Évaluer l’impact de la crise du coronavirus sur le personnel soignant à court et moyen terme

« Pour améliorer notre proposition, nous avons dispensé dans un premier temps des questionnaires simples de telle sorte que ce soit le moins contraignant pour le personnel, afin d’évaluer leur taux d’anxiété, le niveau de douleur et les troubles du sommeil dont ils pouvaient souffrir et de recueillir leurs remarques et suggestions. Il en est ressorti en particulier que 44% des personnels ont évoqué des troubles du sommeil modérés à intenses.»

Pas loin de 1 000 questionnaires ont été récoltés dont les résultats feront l’objet d’un poster au prochain congrès de la Société Française d’Étude et Traitement de la Douleur (SFETD).

Il a été constaté que les équipes médicales ayant suivi les patients atteints du SARS-CoV-1 (severe acute respiratory syndrome coronavirus) et du MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrome) avaient parfois présenté un état de stress post-traumatique (ESPT) pouvant se révéler un an ou un an et demi après l’épidémie [1] [2].

« Forts de ces résultats, nous avons souhaité que la bulle se maintienne afin de prévenir ce stress ».

Le groupe de travail « soins psychiques post-covid » créé par la direction de l’Hôpital a prévu d’adresser un questionnaire anonyme à l’ensemble des personnels de l’hôpital afin d’identifier des états de stress. « Il est important de le diffuser très largement car toute personne peut présenter des facteurs de vulnérabilité, qu’elle ait été ou non en contact direct avec les patients Covid-19 » rapporte Marguerite d’Ussel.

Pour ce faire, des psychologues à temps plein vont être recrutés et pourront confirmer le diagnostic.

Par ailleurs, la consultation douleur va participer à un protocole de recherche, mis en place par un groupe de psychiatres à la suite des premiers cas de stress post-traumatiques observés. Ce protocole visera à évaluer l’impact psychologique de l’épidémie sur les soignants, et l’efficacité de certaines techniques pour le traiter.

Un soutien logistique et financier confirmé par les institutions

« Depuis le 11 mai, date du déconfinement, les consultations douleur ayant repris, le groupe nous a aidés à trouver un autre lieu que notre espace de consultation. Aujourd’hui la deuxième version de la bulle est installée dans la cafétéria ».

Toutefois, maintenant que l’hôpital retrouve un rythme plus ou moins normal, il reste à trouver un nouveau lieu pour libérer la cafétéria.

A l’analyse du taux de fréquentation (entre 80 et 150 personnes par jour) et de l’impact bénéfique de la bulle pour les personnels, le groupe hospitalier a également poursuivi son engagement et son accompagnement en acceptant le recrutement d’une nouvelle équipe dédiée à l’accueil du personnel, composée de professionnels de St Joseph engagés à temps plein, en soutien à l’équipe de consultation de la cellule douleur.

« Cet investissement n’aurait pu se faire sans compter sur le soutien financier de la Fondation de France et de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France présidée par Brigitte Macron, complété par celui du Groupe Hospitalier Paris Saint Joseph. La bulle va donc pouvoir être maintenue au moins 6 mois. » conclut Marguerite d’Ussel.

Sources

  1. Lee AM, Wong JG, McAlonan GM, Cheung V, Cheung C, Sham PC, Chu CM, Wong PC, Tsang KW, Chua SE. Stress and psychological distress among SARS survivors 1 year after the outbreak. Can J Psychiatry. 2007 Apr;52(4):233-40. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17500304/
  2. Lee SM, Kang WS, Cho AR, Kim T, Park JK. Psychological impact of the 2015 MERS outbreak on hospital workers and quarantined hemodialysis patients. Compr Psychiatry. 2018 Nov;87:123-127. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30343247/
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